Dans son essai La contresociété, Roger Sue met des mots éclairants sur le malaise actuel de l’école, du travail et du monde politique.
Ce qu’il appelle la « contresociété », c’est la société civile associative, qui remet en cause tous les pouvoirs verticaux en place. Dans cette contresociété, l’individu est relationnel et le « vivre ensemble » se fait en réseau. Face à ce que Roger Sue considère comme un mouvement de fond se développe malheureusement un mouvement réactionnaire favorisé par la politique du pire que pratiquent les extrêmes.
L’auteur propose de regarder la réalité en face: comment une école qui, dans sa forme, n’a pas évolué depuis le XIXè siècle, et qui continue d’apprendre « à dupliquer alors qu’il s’agit d’inventer », peut encore prétendre donner à nos enfants les baggages nécessaires pour être à l’aise dans cette nouvelle société? En parallèle, le malaise voire le mal-être dans l’entreprise est selon lui le résultat du choc entre deux logiques, celle de la communauté associative d’un côté et celle de la hiérarchie de l’autre; en conséquence, le salarié est soumis à tout un tas d’injonctions paradoxales (liberté / contrôle, collaboration / compétition…) et ne s’y retrouve plus.
On assiste à un mélange détonant de survivance du fordisme, de persistance du toyotisme et d’émergence de l’associationnisme.
Pourtant, les choses évoluent, affirme R. Sue: les capacités aujourd’hui valorisées par les RH, car permettant à l’entreprise d’être performante, sont des capacités informationnelles (gérer des informations…), relationnelles (coopérer, communiquer…), et existentielles (savoir, savoir-faire, savoir-apprendre…). Mais ce sont toutes des capacités « que l’entreprise n’a ni les moyens ni le temps de produire », estime l’auteur, et qu’elle va donc puiser dans ce que l’individu est et fait, dans sa sphère professionnelle mais surtout dans sa sphère privée.
Et si l’entreprise se donnait les moyens d’apprendre à reconnaître et de faire grandir ces capacités-là ? Au lieu de reproduire des modèles hiérarchiques certes rassurants mais devenus trop étroits, l’entreprise doit chercher à innover non seulement dans le « quoi », mais aussi et surtout dans le « comment ». C’est un exercice périlleux car difficile à valoriser dans un business plan à court terme, mais qui se révélera extrêmement fédérateur et porteur de valeur à moyen/long terme.